La traduction francophone, oui ! Mais quel français ?

Par Jonathan Sobalak, étudiant M2 TSM

 

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Source de l’image : https://www.easyvoyage.com/actualite/quebec-vs-france-quelles-sont-les-differences-entre-les-deux–62809

 

Pour un traducteur, les difficultés au jour le jour sont nombreuses : garder l’équilibre entre le sens et le style, trouver la bonne terminologie, adapter la traduction au public visé ou au client. Mais pour la plupart des langues, y compris le français, il existe une autre difficulté. Trouver un terme technique équivalent en français représente déjà un obstacle, mais concernant les termes courants, il ne faut pas prendre leur traduction à la légère, pour une raison simple : les spécificités régionales. En effet, les termes de la vie courante, même parfois très simples, n’ont pas forcément la même appellation en France, en Belgique, au Québec, en Suisse ou encore dans les DOM-TOM. C’est un souci de plus à rajouter à une liste déjà longue d’éléments problématiques en traduction. Et ces différences ne concernent pas seulement le lexique, mais aussi les termes identiques qui n’ont pas la même définition, ou ne font pas référence au même signifié. Je vous propose de passer en revue les problèmes majeurs qu’impliquent ces disparités régionales.

Des différences dans le lexique

Du point de vue des Français, quand on parle du français québécois, on pense immédiatement à la particularité de l’accent et parfois à la difficulté que l’on rencontre quand il est question de comprendre parfois une simple phrase. Cela représente un défi pour les interprètes certes, mais les accents disparaissent à l’écrit : les traducteurs, qui n’ont pas à s’en soucier, n’auraient donc pas de problème ? Pas vraiment, car ce n’est pas la seule particularité de ce français. Entre anglicismes et mots désuets voire inexistants en France, il sera parfois difficile pour un français de rendre une bonne traduction d’une langue étrangère vers le français québécois ; mais il devra faire attention aussi à ne pas recourir à des termes propres au français québécois pour une traduction vers le français de France. C’est bel et bien le risque qu’on encourt lorsqu’on utilise des dictionnaires en ligne tels que Termium ou encore le Grand dictionnaire terminologique, d’origine québécoise.

Au traducteur alors de vérifier ses sources et d’adapter sa traduction selon sa cible, car traduire « convenience store » par « dépanneur » comme l’indique Termium posera un gros problème de sens en français de France, puisque qu’un dépanneur au Québec, c’est l’équivalent d’une supérette dans l’hexagone. Il faut aussi faire attention au registre de langue, ainsi « piger » au Québec est un mot de registre courant (qui signifie prendre), un mot dont l’utilisation est impensable en français de France dans un registre autre que familier.

Mais le français belge n’est pas en reste en ce qui concerne les différences lexicales, ainsi utiliser le terme de « voie de circulation » pour une traduction vers le français belge constituera une erreur terminologique et affectera la qualité de la traduction finale, car en Belgique, c’est bien de « bandes de circulation » dont il est question. Le même cas concerne le clignotant en France par exemple, qu’on appelle « clignoteur » en Belgique. Voilà autant de raisons d’être attentif au lexique que l’on utilise lors d’une traduction vers un français précis.

Pensez à l’influence de Shakespeare

Les anglicismes, c’est l’utilisation courante d’un terme anglais dans une autre langue, le français dans le cas présent. Et les anglicismes peuvent être différents, absents ou utilisés d’une autre manière selon le français concerné. Par exemple, le français québécois, qui se vante pourtant de ne pas être autant influencé par la langue anglo-saxonne, possède de nombreux termes anglais dans son lexique, que nous n’avons pas récupérés en France. On peut citer par exemple un « fan » pour signifier un ventilateur, ou encore le terme « gun » pour les pistolets. En revanche, certains anglicismes adoptés en France ne l’ont pas été dans cette région, comme un « parking » ou un « drive-in », termes anglais absents du registre québécois : là-bas, ce sont des stationnements et des services au volant.

Mais les anglicismes ne s’arrêtent pas seulement aux termes en eux-mêmes : les constructions de phrase et la syntaxe peuvent aussi être influencées par l’anglais. Ainsi, pour garder la même région comme exemple, une construction telle que « demander une question » serait impensable en français de l’hexagone, mais c’est pourtant la norme au Québec. Un terme ou une construction de phrase, qui nous paraît évident au moment de la traduction, a alors toutes les chances de sonner faux et d’exposer la vraie nature de votre texte : une traduction mal adaptée à la région linguistique. À prendre en compte lors de votre prochaine révision/recherche terminologique.

La traduction machine et les outils de TAO, peut-on leur faire confiance ?

En effet, une question se soulève alors : les outils du traducteur sont-ils adaptés à cette problématique ? Et celle-ci mérite bien d’être posée. Pour la traduction machine, on peut penser par exemple aux deux outils les plus utilisés du domaine : DeepL et Google Translate. Ils possèdent bien comme fonctionnalité la traduction vers ou depuis le français de France, mais qu’en est-il du français belge, suisse ou ivoirien ? C’est une composante à prendre en compte lorsque l’on utilise ces outils, que ce soit pour les traducteurs ou les particuliers.

Les dictionnaires quant à eux devraient être en nombre suffisant pour contenter chaque région linguistique, mais ce n’est pas forcément le cas des concordanciers. Bien que Tradooit, par exemple, précise dans son adresse son origine canadienne pour nous prévenir qu’il est possible d’y trouver du français du Québec, Linguee lui n’indique en aucun cas qu’il possède les variétés linguistiques ailleurs que dans la source des documents cités. Ainsi, c’est à l’utilisateur d’être vigilant quant aux propositions du site, sous peine d’opter pour un « piger » en lieu et place de « prendre ».

Fort heureusement pour la traduction assistée par ordinateur, Studio, le leader du marché, a prévu cette possibilité et propose différentes langues selon les régions linguistiques, pour le français mais aussi beaucoup d’autres langues comme l’anglais ou l’espagnol.

 

Je ne peux donc que vous conseiller d’être vigilant si vous avez besoin de traduire un texte vers le français, que ce soit pour le public visé ou pour les sources de vos recherches, car au Québec, on ne fait pas de shopping mais bien du magasinage, et si vous cherchez des betteraves en Suisse, préparez-vous à trouver des carottes rouges !

 

Sources :

http://correspo.ccdmd.qc.ca/index.php/document/parce-que-ce-ne-sont-pas-que-des-mots/usages-lexicaux-propres-au-francais-du-quebec/

https://culturesconnection.com/fr/francais-quebec-france-differences/

https://www.erudit.org/fr/revues/meta/1994-v39-n1-meta188/004293ar/

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