Par Rudy Loock, responsable de la formation TSM
Lors de la réunion du réseau European Master’s in Translation (EMT) du 20 octobre dernier, j’ai eu l’opportunité de présenter le blog de la formation MasterTSM@Lille dans le cadre d’une session dédiée à l’échange de bonnes pratiques entre formations européennes en traduction. Comme j’ai pu le dire en début de présentation, je ne sais pas dans quelle mesure la tenue d’un blog est une « bonne pratique » qui gagnerait à être généralisée, mais il s’agit en tout cas d’une belle petite aventure pédagogique. Le blog fêtant ses 5 années d’existence, il s’agissait là d’une belle occasion de dresser le bilan, et je reprends ici l’essentiel de ma présentation.
Genèse et objectifs pédagogiques
Le blog a officiellement été lancé en septembre 2016 avec pour objectif dès le départ d’accueillir les contributions des étudiant(e)s inscrit(s) en première et deuxième année du parcours de master « Traduction spécialisée multilingue » de l’Université de Lille. Deux éléments m’avaient poussé à tenter cette expérience. Premièrement, une certaine frustration à la lecture des rapports de stage rédigés par les étudiant(e)s : on y lit souvent des choses très intéressantes, puisqu’au-delà d’un descriptif des tâches effectuées pendant le stage, nous leur demandons de réfléchir à une question, un enjeu, une problématique précise en lien avec les métiers de la traduction. Or, en dehors de la personne qui l’a écrit, l’entreprise/l’agence où s’est déroulé le stage, et les 2 membres du jury chargés d’évaluer le travail, et malgré une mise à disposition à la bibliothèque, personne ou presque ne lit ces contributions une fois la soutenance de stage passée. Il y avait là selon moi un travail de valorisation à faire. Le second point de départ fut le constat qu’un certain nombre de traducteurs et traductrices indépendant(e)s, d’agences de traduction, ou encore de prestataires de services linguistiques, alimentent régulièrement un blog (selon un sondage récent, c’est le cas pour 16% des indépendants). La capacité à rédiger un billet de blog pouvait donc être une compétence spécifique qui méritait d’être développée.
Un blog a donc été ouvert au printemps 2016 et a commencé à accueillir les contributions des étudiant(e)s à partir du mois de septembre suivant. Cet exercice, qui consiste en la rédaction d’un billet par étudiant(e) et par année d’étude, s’inscrit dans le cadre d’une sensibilisation à l’utilisation professionnelle des réseaux et médias sociaux et à l’importance de l’e-réputation. Après une formation théorique sur le sujet, il s’agit pour les étudiant(e)s de passer à la pratique en rédigeant un billet sur le sujet de leur choix, pourvu que celui-ci soit en lien avec les métiers de la traduction. Dans le cadre du référentiel de compétences développé au sein du réseau EMT, ceci correspond à la compétence 24 : « utiliser les médias sociaux de manière responsable à des fins professionnelles ».

Les objectifs pédagogiques sont les suivants : amener les étudiant(e)s à effectuer des recherches sur un sujet précis avec un angle professionnel, développer leurs compétences rédactionnelles pour un type de communication spécialisée, leur demander de rédiger pour un public de professionnels un contenu rendu public, signé, et donc à même de contribuer à leur présence sur le web, tout en leur faisant prendre conscience de la légitimité de leurs idées et de leurs points de vue, ce qui est souvent difficile en première année de master notamment. D’autres objectifs relèvent de la communication : faire la promotion de la formation mais aussi des métiers de la traduction en règle générale.
Bilan des publications
Depuis le lancement du blog, 227 posts ont été publiés au rythme d’un ou deux par semaine en fonction de la taille des promotions, chacun s’inscrivant dans une rubrique spécifique :
- Activités du master : retour sur un enseignement, une conférence, un déplacement, une expérience pédagogique
- J’ai testé pour vous : retour sur expérience après la découverte d’un outil d’aide à la traduction, d’une méthode de travail, d’une expérience professionnelle…
- Le saviez-vous ? : coup de projecteur sur un enjeu ou une question en lien avec les métiers de la traduction
- Portraits : entretien avec un(e) professionnel(le), un(e) ancien(ne) étudiant(e), ou encore un(e) enseignant(e) de la formation
- Carte blanche à… : invitation d’une personnalité (issue du monde professionnel ou universitaire), qui rédige un billet
En cas de manque d’inspiration, la possibilité est donnée de traduire un billet existant publié sur un autre blog en langue étrangère, avec autorisation de son auteur ou de son autrice. Ces billets ne sont pas classés à part, mais associés à la catégorie pertinente.
Les thèmes abordés sont divers, comme le montrent les deux illustrations ci-dessous, qui rassemblent les billets les plus lus et les plus récents.


La liste des mots les plus fréquents (obtenus grâce à la transformation du blog en corpus via SketchEngine) et la liste des étiquettes témoignent de la diversité des sujets abordés, avec un certain intérêt pour les technologies, la gestion de projets, la vie professionnelle les langues de travail, mais aussi les questions d’ergonomie, le multilinguisme, ou encore la spécialisation :



Une fois le billet publié, celui-ci est diffusé via les réseaux sociaux de la formation : compte Twitter, page Facebook, page Éducation sur LinkedIn.
Bilan des visites
Le nombre de visites a très vite dépassé les prévisions, et le blog rencontre aujourd’hui un succès qui n’était pas véritablement prévu au départ. Ainsi, le nombre de visites uniques est passé de 800 par mois en 2016 à près de 5000 par mois en 2019 et en 2020 ; en 2021, ce chiffre devrait encore augmenter. Au total, cela fait plus de 50.000 visites annuelles. La plupart des lecteurs et lectrices se connectent depuis la France, mais un important nombre de personnes se connectent depuis les États-Unis, la Belgique, le Canada, la Suisse, l’Espagne, l’Algérie, le Royaume-Uni, l’Allemagne…, l’utilisation de VPN pouvant toutefois brouiller les résultats.


Évaluation
La rédaction d’un billet est un travail obligatoire. Les étudiant(e)s de seconde année de master doivent accomplir cette tâche sur la période septembre-février, puis les étudiant(e)s de première année prennent le relais pour la période mars-juillet. Il arrive que certains souhaitent rédiger un billet supplémentaire, ce qui est tout à fait accepté.
À l’université, tout doit être (hélas ?) évalué. Pourtant, il me semblait qu’attribuer une note chiffrée sur 20 pour un tel travail était en contradiction avec les objectifs de celui-ci : il ne s’agit pas d’un travail universitaire mais bien d’une contribution de futurs professionnels qui s’adressent à des professionnels, ou tout au moins à un public intéressé par ces questions. Décision a donc été prise de proposer une évaluation sous forme de validation ou non validation, sans note chiffrée (ne pas rédiger de billet ou en rendre un de qualité insuffisante entraîne la non validation de l’enseignement, et donc de l’unité d’enseignements associée). En 5 ans, seuls 2 billets n’ont pas pu être validés.
Qu’en pensent les étudiants ?
Afin de recueillir le sentiment des étudiants, un sondage en ligne (anonyme) a été envoyé aux anciens étudiants inscrits de 2016 à 2021 ainsi qu’aux étudiants actuels, de seconde année uniquement (n=105). J’ai reçu un retour de la part de 69 d’entre eux, soit un taux de réponse de 65,7% (j’en profite pour les remercier de leur participation). Il en ressort que 70% ont apprécié ou beaucoup apprécié l’exercice, et deux tiers d’entre eux sont d’accord avec l’idée qu’il a contribué à leur formation et à leur professionnalisation. Seulement 15% d’entre eux ont dû rédiger un billet pour un blog pendant leurs stages et quelques-uns ont été amenés à en traduire. Si 76% d’entre eux pensent qu’alimenter un blog est utile d’un point de vue professionnel, seuls 2 anciens étudiants (sur 49) en ont un aujourd’hui. 83% d’entre eux lisent les billets publiés sur le blog.
Bilan général et perspectives
Comme pour toute initiative pédagogique, le bilan permet de mettre au jour les réussites mais aussi les limites de l’exercice. Globalement, celui-ci donne entière satisfaction : chaque nouvelle promotion trouve de nouvelles idées afin de rédiger des billets originaux sur des sujets extrêmement variés. La qualité est très souvent au rendez-vous. Le nombre de visites est clairement une source de satisfaction, qui doit par ailleurs permettre aux étudiants de prendre confiance en eux : leurs billets sont lus. L’obtention début 2019 d’un ISSN auprès de la Bibliothèque nationale de France est venue renforcer la légitimité du blog et de son contenu.
Il existe en revanche une marge de progression pour le taux d’engagement (commentaires laissés sur le blog lui-même ou sur nos réseaux sociaux, nombre de partages), ce qui pourrait permettre des échanges fructueux avec les étudiants. Les intervenant(e)s au sein du master, qu’ils/elles soient issu(e)s du monde universitaire ou professionnel, n’ont rédigé que très peu de billets malgré les invitations. Enfin, le choix d’un support gratuit pour héberger le blog (comme pour beaucoup de choses à l’université, l’initiative s’est faite sans soutien institutionnel), entraîne la présence de publicités qui peuvent être intempestives pour les lecteurs et lectrices ne disposant pas d’un bloqueur de publicités.
Conclusion
En guise de conclusion, je tiens à remercier les étudiant(e)s qui depuis 2016 alimentent le blog et continuent de me surprendre par la diversité des thèmes abordés. La qualité des billets et l’enthousiasme qu’ils suscitent signifient que cette « belle petite aventure pédagogique » n’est pas terminée. J’espère qu’elle durera encore longtemps.