Traduction environnementale : la spécialisation de demain ?

Par Sarah Bonningue, étudiante M2 TSM

Les questions environnementales ne datent pas d’hier. Néanmoins, la prise de conscience n’a jamais été aussi présente qu’aujourd’hui. Depuis plusieurs décennies, des reportages circulent sur le réchauffement climatique, la pollution, les émissions de gaz à effet de serre et autres catastrophes alarmantes. Nous sommes mis en garde depuis longtemps, mais il semblerait que nous venions tout juste de nous réveiller. Dorénavant, nous commençons à percevoir concrètement les effets de ce changement climatique et à chercher des solutions pour les contrecarrer.

L’environnement fait désormais partie des préoccupations majeures des Français. Le marché de l’environnement s’est diversifié au fil des années allant des entreprises qui proposent des produits « verts » aux ONG. En conséquence, il est nécessaire de faire appel à des traducteurs afin d’améliorer la communication, et ainsi, viser un public plus large. Étant intéressée par l’environnement comme future spécialisation, cet article me donne l’opportunité de me pencher sur ce secteur et de peut-être vous inciter à faire de même.

Je souhaite remercier Séverine George et Marie-Laure Faurite, traductrices spécialisées dans l’environnement, d’avoir bien voulu de me parler de leur activité et de ce domaine.

Un secteur en plein essor

Il a fallu du temps avant de prendre conscience des enjeux environnementaux, et ce, attendre les années 1970-1980. De nouveaux termes ont commencé à apparaître, comme « développement durable » qui a été inventé dans les années 1990. Selon moi, l’année marquante pour le climat reste 2019 : il y a eu en effet un changement des mentalités à l’échelle internationale. De nombreux évènements environnementaux se sont produits que ce soit d’ordre climatique ou politique : des feux de forêts en Australie, des records caniculaires, la forte mobilisation des jeunes avec la Marche pour le climat ou encore la vague verte aux élections européennes.

Le marché de l’environnement a évolué à une vitesse fulgurante ces cinquante dernières années, la mondialisation y a également contribué. De nombreux secteurs se sont adaptés afin de proposer davantage de produits ou technologies durables. On compte aussi nombre d’études ou de réglementations relatives à l’environnement.

En conséquence, la demande en traduction dans ce secteur est considérable. Cette spécialisation semble être prometteuse et le travail ne devrait pas manquer. Séverine George et Marie-Laure Faurite ont aussi remarqué que de plus en plus de personnes et d’entreprises s’intéressent à l’environnement : il y a beaucoup de demandes de communication, mais peut-être aussi un effet de mode (greenwashing).

Pourquoi choisir l’environnement comme spécialisation ?

Nous réalisons que ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte dans l’océan. Mais si cette goutte n’existait pas dans l’océan, elle manquerait – Mère Teresa

Le choix d’une spécialisation est bien sûr propre à chacun. Pour certaines personnes, voir l’aboutissement ou l’impact de son travail est quelque chose de primordial. Cependant, en tant que traducteur nous n’en avons pas toujours l’opportunité. Si dans la vie de tous les jours vous considérez l’environnement comme une priorité, traduire du contenu pour ce secteur permettrait d’avoir un impact concret. L’objectif même de la traduction n’est-il pas d’améliorer la communication dans le monde entier ? En tant qu’individu, ce serait ainsi une contribution à petite échelle pour la création d’un monde plus vert et durable. Pour Séverine George et Marie-Laure Faurite, cette spécialisation s’est présentée comme une évidence en raison de leur engagement personnel pour la protection de l’environnement (zéro-déchet, consommation éthique…).

Les jeunes sont très sensibles aux questions environnementales, nous l’avons bien remarqué par leur forte présence aux élections européennes de 2019 et aux manifestations « Fridays for Future ». Nombreuses sont les personnes à changer leur façon de consommer, leur alimentation… En conséquence, il est probable qu’une vague de nouveaux traducteurs arrive sur le marché du travail, désireuse de changer les choses.

Au sein du domaine de l’environnement se trouve une multitude de sous-domaines, comme la pollution, le réchauffement climatique, les énergies renouvelables, la protection des océans ou forêts… Il y a donc suffisamment de besoins, il ne s’agit pas d’un secteur de niche.

Quels clients et documents de travail ?

Avec quels types de clients peut-on être amené à travailler ?

  • Agences de traduction
  • Organismes environnementaux
  • Fournisseurs de produits et de services

Exemples de types de documents à traduire

  • Directives du gouvernement
  • Certifications ISO
  • Rapports sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
  • Fiches de produits
  • Rapports d’études
  • Présentations de produits
  • Documents marketing
  • Bulletins d’information
  • Documentaires (traduction audiovisuelle)

Importance de la terminologie

Comme pour tout secteur, il faut s’adapter à la terminologie spécifique, mais on peut aussi être amené à faire de la localisation. En effet, certains concepts propres au secteur n’existent pas dans tous les pays. Abigail Dahlberg l’illustre très bien à l’aide d’un exemple dans son article de la revue Traduire : elle mentionne les différents systèmes de collecte des déchets selon les pays. En Allemagne, « une municipalité a envisagé la création d’une poubelle associant la poubelle grise (déchets résiduels) et la jaune (emballages légers) sous la forme d’une poubelle à rayures grises et jaunes (dite Zebratonne en allemand) ». Il est évident qu’une traduction littérale n’est pas pertinente ici, le concept n’étant pas connu en France. Le traducteur peut donc être confronté à de telles difficultés terminologiques. Il doit appliquer les bonnes stratégies pour pouvoir faire passer son message dans la langue cible et être compris par le lecteur.

Devenir un expert du secteur

Le traducteur issu d’une formation linguistique doit en apprendre plus sur ses domaines de spécialité afin d’être considéré comme un professionnel du secteur.

Contrairement à certains traducteurs qui ont étudié dans leur domaine de spécialisation, Séverine George et Marie-Laure Faurite ont toutes les deux fait un Master de traduction. Pour se spécialiser, il a donc fallu acquérir des connaissances en autonomie. Voici une petite liste des choses qu’elles ont faites pour se former, ainsi que des conseils.

  • Lire des revues spécialisées
  • S’abonner à des newsletters pour faire de la veille (et constituer un glossaire terminologique)
  • Formations de la SFT et cours en ligne (ex : MOOC)
  • Être curieux et lire/visionner du contenu dans ses langues de travail : articles, documentaires…
  • Assister à des conférences ou salons professionnels du secteur
  • Garder une trace de toutes les traductions effectuées dans ce domaine pour se constituer un portfolio (utile pour prospecter des agences ou clients directs)
  • Développer son réseau : entrer en contact avec des traducteurs spécialisés dans le domaine et adhérer à des associations de traducteurs.
  • Sur les réseaux professionnels se présenter comme « Traducteur/trice qui se spécialise dans le domaine… » et suivre des pages ou groupes du secteur.

Le petit conseil en plus : pourquoi ne pas faire du bénévolat auprès d’une ONG environnementale ? Cela permet de donner de son temps, se familiariser à la terminologie et se former par la même occasion.

L’essentiel reste de se tenir informé régulièrement du secteur étant donné sa constante évolution : de nouvelles inventions ou réglementations naissent chaque année. Même après sa formation initiale, le traducteur doit constamment continuer son apprentissage.

Être en adéquation avec ses valeurs

Dans cet article de la revue Traduire, Sévérine George et Marie-Laure Faurite, évoquent le concept d’écotraducteur. L’objectif est d’encourager le traducteur environnemental à être en accord avec ses valeurs dans son travail au quotidien en prenant des habitudes écoresponsables. Tout comme le zéro déchet ou sa consommation, le but n’est pas de culpabiliser le traducteur ou de l’obliger à remplir tous les critères de cette liste, mais de proposer des idées afin de réduire progressivement son empreinte carbone.

Bien souvent il est recommandé dans le monde du travail de faire attention à la consommation de papier ou de choisir des modes de transport plus propres. Ici cela ne pose pas trop de problèmes pour le traducteur indépendant qui travaille chez lui et n’a plus forcément besoin de dictionnaires papier ou d’imprimer ses documents. En revanche, on oublie souvent que, bien qu’il soit nécessaire de limiter sa consommation de papier, l’informatique consomme bien plus en dépenses énergétiques. Le tout premier outil du traducteur étant l’ordinateur, celui-ci va devoir réfléchir à des façons de limiter ou compenser les dépenses générées par ses recherches sur Internet. Je vous recommande donc la lecture de cet article si vous souhaitez avoir une vue d’ensemble des habitudes écoresponsables à adopter.

Maintenant, ça y est…on arrive enfin à s’installer comme traducteur environnemental, avoir des connaissances du domaine, trouver des clients, se faire une bonne réputation et à réduire son empreinte carbone.

Un nouveau projet de traduction arrive dans ma boîte mail : dossier pour la promotion des énergies fossiles. Aïe ! C’est pas du tout le genre de contenu que je voulais ! Quelle est la stratégie à adopter ?

Si le projet est à l’extrême opposé des valeurs de Séverine George et Marie-Laure Faurite (qui pose de réels problèmes d’éthique ou de véracité scientifique), elles le refuseront. Bien sûr, cela dépend des circonstances, ce n’est malheureusement pas toujours possible, surtout lorsque l’on débute sa carrière. Un jeune traducteur ne pourra pas forcément se permettre de refuser un projet ou de choisir quel contenu il préfère.

Conclusion

L’environnement, les énergies et le développement durable pourraient donc devenir des spécialisations très prisées dans le monde de la traduction. Même si ce n’est pas encore considéré comme un grand domaine d’activité comme le médical ou le juridique, il ne s’agit pas non plus d’un secteur de niche. Les besoins en traduction devraient être conséquents en raison de l’expansion des nouvelles technologies ou produits plus « propres ». Le secteur est en constante évolution, le traducteur devra pour cela s’adapter aux nouveaux besoins des clients.

Bibliographie

Dahlberg, Abigail. Going Green: Translating Environmental Texts. ATA Chronicle, juin 2008, p 10-13. https://www.ata-chronicle.online/wp-content/uploads/2008-June.pdf.

Dahlberg, Abigail. « Une spécialisation, le domaine de l’environnement ». Traduire. Revue française de la traduction, no 229, 229, Syndicat national des traducteurs professionnels, décembre 2013, p. 16‑25. journals.openedition.org, doi:10.4000/traduire.578.

De Sèze, Cécile. « 2019, l’année de la prise de conscience climatique ». L’Express, 28 décembre 2019. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/2019-l-annee-de-la-prise-de-conscience-climatique_2112440.html.

George, Séverine, et Marie-Laure Faurite. « L’écotraduction, ou le traducteur en transition. Optimiser son environnement de travail pour réduire son empreinte écologique ». Traduire. Revue française de la traduction, no 242, 242, Syndicat national des traducteurs professionnels, juin 2020, p. 6‑22. journals.openedition.org, doi:10.4000/traduire.1971.

Le Monde. « Nous réalisons que ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte […] – Mère Teresa ». dicocitations.lemonde.fr, https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-45499.php. Trésor-Éco https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/9b47a940-eed2-49a8-a1e6-75bdc936a299/files/b7dcd008-6fc8-4d39-a640-04ad70855736

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