Le management de projets de traduction en bref : compétences, outils, conseils

Par Medge Allouchery, étudiante M2 TSM

Comme dans mon précédent billet, pour l’expérience, la forme féminine sera employée par défaut. Je souhaite que cela puisse contribuer à sensibiliser à la nécessité d’une écriture plus inclusive.

gestion projet

Bien savoir gérer des projets est fondamental pour de nombreuses raisons : assurer la qualité, garantir une livraison dans les délais, satisfaire et fidéliser les clientes, ne pas subir les effets d’une mauvaise organisation, fédérer une équipe et la garder motivée tout en préservant son bien-être, être plus efficace et performante, etc. Dans ce billet, j’ai eu envie de me pencher sur ce personnage central de chef de projets de traduction, et les ingrédients nécessaires pour l’incarner.

Dans son article (en anglais ) traitant des compétences clés des chefs de projets, Nancy Matis, gérante de société de traduction, enseignante et formatrice en gestion de projets de traduction, propose la sélection suivante : organisation, responsabilité, indépendance, compétences informatiques, capacités d’organisation et de communication, flexibilité, leadership, gestion du stress, et quelques connaissances comptables de base, pour savoir établir un devis par exemple. Nancy Matis préconise également d’avoir suivi une formation en traduction ou d’avoir travaillé dans le domaine, afin d’être capable de comprendre les enjeux de ces projets.

Je me propose de rassembler ces compétences fondamentales en trois grands axes, la planification, la responsabilité et la communication, que je ponctuerai de conseils de spécialistes. Enfin, je vous ferai découvrir sept outils issus du management, qui vous aideront à optimiser la performance de votre équipe.

 

Penser à tout

Planifier, c’est LA compétence clé de la chef de projet. Bien planifier, c’est avant tout savoir analyser le projet que l’on gère, et estimer le temps que prendra chaque tâche, tout en prévoyant toujours une marge de sécurité (Matis, s.d-a). Il faudra aussi penser à adapter le planning aux caractéristiques du projet, et par exemple, garder en tête que l’on traduit rarement un contenu ultraspécialisé et sensible aussi rapidement qu’un document plus général (contrat vs. brochure destinée au grand public). Par ailleurs, une bonne analyse évitera quelques mauvaises surprises en cours de projet, et vous épargnera donc bien des situations stressantes (Matis, 2015).

Dans le planning, le chevauchement des tâches et leur répartition entre plusieurs intervenantes permettront de raccourcir les délais de livraison et faciliteront la régression (retour aux tâches antérieures) en cas de problème (Matis, s.d-a). Attention à ne pas oublier de prendre en compte les disponibilités de toutes les intervenantes, notamment les jours fériés de leurs pays respectifs (Matis, s.d-a) ! Enfin, il sera crucial d’avoir conscience de l’interdépendance entre les diverses tâches d’un projet, pour éviter, par exemple, de prévoir la réalisation de captures d’écran d’un logiciel à insérer dans une documentation, avant la traduction de celui-ci (Matis, 2019).

La chef de projet est à la croisée des chemins entre toutes les actrices d’un projet. Elle doit donc rester alerte, avoir l’œil sur tout et donner les bonnes informations au bon moment. Selon Sabine Allouchery (entretien du 15/01/2020), consultante depuis 20 ans en management, en gestion de projets et en leadership, c’est la chef de projet qui a la responsabilité de rythmer le projet, et notamment de gérer les risques relatifs à la qualité et au planning (voire au budget [Nancy Matis, communication du 17/01/2020]). Pour gérer tout cela de façon efficace, se constituer des to-do lists et créer des notifications de rappel sur son agenda lui seront d’une aide précieuse.

Vous l’aurez compris, sans une bonne structure, le projet de traduction s’effondrera comme un château de cartes. Maintenant que nous avons abordé l’aspect « pratique » des choses, découvrons les secrets de la « posture » de chef de projets, et du fameux « leadership ».

 

Avoir le sens des responsabilités

Bien manager, c’est aussi savoir porter un projet en s’appuyant sur les compétences de chacune (Allouchery, 2020), tout en assumant, devant la cliente, la responsabilité de sa qualité et de son déroulement, et ce, du premier contact à la livraison. Cela implique d’être autonome, proactive dans la recherche de solutions, mais aussi d’utiliser l’intelligence collective pour responsabiliser les différentes actrices (Allouchery, 2020). Il faudra également faire preuve de « leadership ». Mais alors, concrètement, qu’est-ce que ce « leadership » dont on entend si souvent parler ? Pour Sabine Allouchery, il s’agit de donner confiance, de savoir guider, d’être à l’écoute de l’équipe, de ne pas avoir peur de prendre des décisions et de les assumer. La posture de la chef de projet est un savant équilibre entre exigence, fermeté, flexibilité et ouverture (Allouchery, 2020). Sabine Allouchery précise que : « Le leadership de la chef de projet se révèlera d’autant plus qu’elle aura valorisé le savoir-faire de l’équipe. »

Enfin, être responsable d’un projet nécessite de tout mettre en œuvre pour qu’il se déroule dans les meilleures conditions. Cela demande d’être flexible, de savoir rebondir et faire face aux obstacles. En somme, être une bonne manager, c’est s’adapter aux conditions externes (client et marché) et aux conditions internes (l’équipe projet) (Allouchery, 2020).

 

Jouer le rôle de la moutarde dans la mayonnaise

En lisant ce titre, vous avez sûrement dû vous demander si vous n’aviez pas été redirigée par erreur sur la page d’une recette de cuisine. Rassurez-vous, on parle toujours de gestion de projets. Eh oui, la chef de projet est au projet ce que la moutarde est à la mayonnaise : elle lie les ingrédients (ou les intervenantes) entre eux. Selon Sabine Allouchery, incarner ce liant consiste à mettre en place une communication fluide entre toutes les actrices du projet, et à communiquer les éléments nécessaires pour satisfaire l’exigence qualité, tout en prenant soin de ne pas noyer l’équipe sous trop d’informations. Elle explique que grâce à une bonne communication, on pourra non seulement responsabiliser et motiver le collectif, mais aussi maintenir l’engagement de l’équipe jusqu’à la livraison du projet, ou encore rectifier le tir en cas de « dérive » du projet. Pour développer une bonne communication, il convient de choisir quoi communiquer, quand et à qui, de savoir pourquoi et pour quoi on le communique, mais surtout de soigner la forme, et de montrer sa confiance et son respect des personnes et de leur savoir-faire (Allouchery, 2020). Dans son article (en anglais) sur la gestion des questions dans les projets de traduction, Nancy Matis recommande également de poser des questions fermées, claires et concises à la cliente, et de vérifier les questions posées par les intervenantes, voire de les réécrire si besoin, mais aussi de s’assurer que la cliente n’y a pas déjà répondu.

Pour terminer ce tour d’horizon des ingrédients d’une gestion de projets réussie, je vous propose de découvrir les sept outils que Sabine Allouchery identifie comme les facteurs clés de la performance d’une équipe :

Benchmarking : il s’agit ici d’utiliser des indicateurs de comparaison avec la concurrence ou des collègues, pour évaluer sa propre performance ou pour identifier de nouvelles bonnes pratiques et se les approprier.

Débriefing : il est important de « débriefer », soit de s’informer des difficultés et des avancées, et ce, à toutes les étapes du projet. En fin de projet, c’est aussi l’objectif du post-mortem. On débriefe alors sur ce qui a fonctionné et ce qui a été plus difficile, pour être encore plus performante la prochaine fois.

Outils de pilotage : les outils de pilotage sont essentiels à la mise en place d’une communication efficace. Aujourd’hui, le pilotage se voit optimisé grâce à l’utilisation des nouvelles technologies (WhatsApp, Slack, etc.). Parmi les outils de pilotage, on peut citer, entre autres, les fichiers de suivi, qui facilitent le suivi du projet et de son avancée à tout moment, et peuvent être partagés, mais également les rapports de suivi, qui permettent de tenir la cliente informée tout au long du projet, et ainsi d’établir une relation de confiance avec elle.

Communication : la chef de projet devra, au-delà du soin apporté à sa communication, mettre en place un réel process en la matière, établir ce qui doit être dit et à quelle fréquence, mais aussi savoir demander et recevoir du feedback, et ce, sans tomber dans la justification.

Encadrement du projet : la chef de projet doit absolument questionner les actrices du projet et leur donner la parole pour s’assurer qu’elles ont bien compris ses enjeux et ses objectifs. Il ne suffit pas de dire les choses, il faut veiller à ce qu’elles soient comprises. En pratiquant l’écoute active, la chef de projet va donc poser des questions ouvertes à ses équipes, par exemple : « Quelles difficultés penses-tu rencontrer ? »

Simulation : il est crucial que l’équipe puisse s’entraîner grâce à des simulations. Plus on s’entraîne, plus on sera performante, parce que l’on va réaliser les tâches de façon plus automatique. C’est d’ailleurs ce que nous faisons dans le cadre du master TSM, avec une agence de traduction virtuelle, des projets de traductions fictifs et un exercice de simulation de gestion de projet.

Répartition modérée : un trop grand nombre de personnes impliquées dans le projet entraînera un souci d’homogénéité, et donc une baisse des performances, car il faudra tout réharmoniser. Ne multiplions pas de façon infinie les intervenantes, mais faisons appel à assez de ressources pour pouvoir proposer une date de livraison raisonnable.

 

J’espère que ce billet vous aura donné envie de vous renseigner plus en profondeur sur ce domaine passionnant. Vous trouverez davantage d’informations en consultant les sources ci-dessous 😊 !

 

Sources

Allouchery, S. https://www.therapie-id.com/

Matis, N. (2015). Translation project managers and translators share many skills. [article en ligne]. Disponible sur le lien http://www.translation-project-management.com/en/articles/translation-project-managers-translators-share-many-skills

Matis, N. (s.d-a). Scheduling translation projects [article en ligne]. Disponible sur le lien https://www.ata-chronicle.online/featured/scheduling-translation-projects/#sthash.mxND96Bf.wzHv0iLZ.dpbs

Matis, N. (s.d-b). How to deal with questions during a translation project?. [article en ligne]. Disponible sur le lien https://www.ata-chronicle.org/featured/how-to-deal-with-questions-during-a-translation-project/#sthash.mJQMAC93.YbCthiiV.dpbs

 

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